Opéra
en un prologue et un acte, opus 60
Livret d'Hugo von Hoffmannsthal
Composition : 1911-1912 et 1916
Création de la 1e version : Stuttgart, Neues Königliches
Hoftheater, le 25 octobre 1912
Création de la 2e version : Vienne, Hofoper, le 4 octobre
1916
Travers-sons >> Opéra >> Ariadne auf Naxos
Le Prologue
Le théâtre privé d’un palais viennois, au XVIIIe siècle.
Dans la maison de l’homme le plus riche de Vienne, se prépare
la première représentation de l’opéra Ariane
à Naxos, œuvre d’un jeune compositeur. Ce dernier apprend
que son opéra sera suivi d’une comédie chantée
et dansée. Une discussion s’en suit afin de déterminer
dans quel ordre passeront les deux pièces. Juste avant le début
de la représentation, le maître de céans veut que l’opéra
et la comédie soient représentés simultanément
pour permettre au feu d’artifice d’être tiré à
l’heure. Comme il reste peu de temps, il faut réagir promptement
et improviser, ce qui est la spécialité de Zerbinette.
Le compositeur estime que le pragmatisme l’emporte sur son idéal;
ainsi a-t-on décidé de couper les passages trop longs de l’opéra
Ariane. La prima donna et le ténor rivalisent et en profitent
pour inciter, chacun de leur côté, le maître de musique
à supprimer les airs de l’autre. Pris sous le charme de Zerbinette,
le compositeur finit par se résigner et accepte la tournure des événements,
même si cela lui paraît trahir l’art sacré de la
musique, avant de se retirer.
L'opéra
Dans l’île de Naxos.
Ariane a été abandonnée dans une île déserte
par son bien-aimé Thésée, qu’elle avait aidé
à s’échapper du labyrinthe du Minotaure. Elle chante longuement
sa misère et son malheur et aspire à rejoindre le royaume des
morts. Zerbinette ordonne à Arlequin et à ses compagnons de
distraire Ariane avec des chants et des danses. Ariane n’y réagit
pas. Zerbinette essaie de la convaincre de prendre un nouveau compagnon. Ariane,
silencieuse, se retire dans sa grotte.
On annonce l’arrivée de Bacchus, qui vient d’échapper
aux enchantements de la magicienne Circé. Ariane croit d’abord
au retour de Thésée, ensuite à l’arrivée
d’Hermès, venu l’emporter dans le royaume des morts. Bacchus,
de son côté, se croit à nouveau victime de sortilèges.
Mais bientôt, Ariane et Bacchus découvrent leur amour et s’élèvent
vers la félicité éternelle.
Ariane à Naxos a connu de nombreux avatars. Une première
version, créée à Stuttgart, s’incorpore à
la représentation du Bourgeois gentilhomme de Molière.
Elle remplaçait la cérémonie turque prévue par
Lully. La seconde version, celle qui nous concerne, est une version entièrement
lyrique.
La référence à Molière a complètement disparu.
À la place, Hugo von Hofmannsthal crée un prologue placé
dans un palais viennois du XVIIIe siècle, permettant une description
critique du système social de l’époque.
La deuxième partie d’Ariane à Naxos est tout
à la fois un opéra à numéro et un pastiche de
l’opéra seria. La succession des scènes y est déterminée
par une structure musicale. Dans le prologue, par contre, le théâtre
domine, avec un échange de répliques rapides, dans un style
récitatif très nerveux avec des échappatoires vers des
arioso plus lyriques.
Après les orgies sonores d’Elektra et de Salomé,
Strauss tisse, dans Ariane à Naxos, un tapis orchestral au
dessin transparent et aux couleurs envoûtantes.
Sept versions sous notre regard critique (pour avoir la discographie complète, cliquez ici) et, contrairement à la légende qui veut qu’une version ne soit de référence que si l’enregistrement a été réalisé au temps de la télévision en noir et blanc, deux versions récentes font notre bonheur. Deux autres appartiennent aux temps légendaires du team Walter Legge chez EMI et du Festival de Salzbourg. Karajan (référence Médiathèque : ES7711) possède un plateau vocal de rêve dont le premier miracle est la capacité de ses fortes personnalités (Streich ! Schwarzkopf ! ! Seefried ! ! !) à se fondre dans une équipe. Bœhm, dans l’enregistrement public issu des archives de la radio autrichienne (ES7719), nous comble par sa vivacité; ajoutez à cela des chanteurs déchaînés tels que Della Casa, Schock, Neugebauer, Seefried, Güden, et vous aurez un plaisir sans nom, à condition de supporter un son étriqué.
Les amateurs de technique moderne d'enregistrement se délecteront
de l’enregistrement de Kurt Masur à la tête de son orchestre
du Gewandhaus de Leipzig (ES7717) : d’une part, grâce à
l’extraordinaire équilibre des timbres et surtout des couleurs
orchestrales sombres qui entourent la somptueuse voix de Jessye Norman dans
le rôle d’Ariane; d’autre part, grâce à l’éclat
de Varady et la virtuosité éblouissante de Gruberova.
Kempe, par ailleurs chef straussien de grande valeur, est passé à
côté de son Ariadne, principalement à cause d’une
distribution trop sage, sans réel engagement, à l’exception
d’une admirable Gundula Janowitz (ES7713).
Solti, aurait lui aussi pu mieux réussir son Ariane; à
son avantage, une direction incandescente mais toujours très claire
dans la polyphonie, une Troyanos dans une vision très originale du
rôle du compositeur, la stature de Gruberova ; à son désavantage,
le couple Ariane et Bacchus qui aurait dû être distribué
à d’autres chanteurs que Leontine Price et René Kollo
(ES7715).
La version dirigée par Levine (ES7716)
illustre bien les errements d’une production “ Canada Dry ”.
C’est bien chanté, bien dirigé, mais il y manque l’essentiel :
l’âme.
Peu de temps avant sa mort, Sinopoli a signé une passionnante intégrale.
Les interprétations du chef italien ont toujours fait l'objet de controverses
infinies, cette Ariadne n'y échappe pas. La distribution recele
des trésors avec le compositeur d'Anne Sofie Von Otter, la prodigieuse
Zerbinette de Nathalie Dessay et le couple Ariane et Bacchus de Deborah Voigt
et Ben Heppner (ES7723).
BANOUN, Bernard, L'Opéra selon Richard Strauss,
un théâtre et son temps, Fayard, 2000
GOLEA, Antoine, Richard Strauss, Flammarion, 1965
JAMEUX, Dominique, L'École de Vienne, Fayard, 2002
JAMEUX, Dominique, Richard Strauss, Collection "Solfèges",
Le Seuil, 1971
KENNEDY, Michael, Richard Strauss, Fayard, 2001
ROSTAND, Claude, Richard Strauss, Seghers, 1964
TUBEUF, André, Richard Strauss ou le voyageur et son ombre, Albin Michel,
1980
STRAUSS, Richard & HOFMANNSTHAL, Hugo von, Correspondance 1900 - 1929,
Fayard, 1992
L'Avant-Scène Opéra a consacré son n° 77 (juillet 1985) à Ariane à Naxos
Le site de la Richard Strauss Gesellschaft
Une page de ressources en anglais, avec quelques curiosités
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